Titre 1
Raphaël Pozzi
Artiste Associé
Vit et travaille à Nîmes
- Interview -
Marie Païs : Bonjour Raphaël.
Raphaël Pozzi : Bonjour Marie.
M.P : Tu vas exposer au CRIC le mois prochain, en avril. J’aimerais connaître ton parcours, comment est née ta pratique du dessin?
R.P : Brièvement, j’ai commencé en 1998 par faire une école de mode, ESMOD à Paris, qui m’a formé aussi sur le dessin et un peu sur le design. Mais même avant cette école, je dirais depuis gamin, il y a toujours eu chez moi une volonté de dessiner, de peindre, de créer. Ça n’a jamais été pris bien au sérieux, mais j’ai eu un prof de modèle vivant dans cette école qui m’a pas mal encouragé à peindre en grand format et à exprimer ce que j’avais à dire. J’ai attendu pratiquement dix ans après les cours de ce prof, Nicolas Kuligowski, pour réellement m’y mettre, pour réussir à prendre de grands châssis et sortir mes premières peintures qui étaient de la pure expression. C’était en 2005 ou en 2006.
M.P : Pourquoi dix ans ?
R.P : Le dessin n’a jamais été vraiment inné. J’avais toujours une espèce d’emprise, je n’arrivais pas trop à lâcher, peut-être par complexe. Et puis ça c’est déclenché un peu tout seul.
M.P : Donc les premiers dessins sont les Mickeys, c’est ça ?
R.P : Les premières toiles oui. Il y en a une dizaine qui sont sorties assez rapidement sur différents médiums. J’ai essayé des collages aussi avec la photocopie. Je suis un peu à l’ancienne encore, donc je faisais des agrandissements pour recréer des posters en photocopie, que je recollais sur la toile et puis je repeignais par-dessus. C ’était des essais de matières et les premiers Mickeys, je les ai fait avec du goudron et une d’acrylique blanc-mat.
M.P : Pourquoi avoir choisi de dessiner Mickey ?
R.P : J’ai eu une amie qui dessinait à l’école, sur ses cours des Mickeys et donc elle m’a appris à en faire, à la façon Walt Disney. Et rapidement j’ai sorti mon propre Mickey, inspiré par le Monsieur A de Monsieur André. Il y a une grande influence Street Art par dessus et il est devenu évident que je me représentais un peu à travers ce petit bonhomme. Il avait mes chaussures, mes pantalons, mes bretelles, mon nœud papillon et tout ça.
M.P : Et les yeux vairons ?
R.P : Non, pas encore. Ils étaient en noir et blanc ceux-là. Donc c’était plus sur le look, l’esprit. C’était inconscient, mais ça sortait comme ça. Après l’autoportrait est venu petit à petit mais je ne sais pas si ce sont des autoportraits ou des humeurs. C’est avec ma série sur les Monstres que j’ai fait lors d’une performance live en 2012 à Montpellier que j’ai commencé à faire un œil bleu et un œil vert comme j’ai un œil bleu et un œil vert.
M.P : C’était de l’auto-portrait conscient ?
R.P : Il y a une très grosse part d’inconscient dans mon travail, mais j’ai fini par me retrouver à faire des autoportraits, toujours grâce à ce prof, Nicolas. Quand on était en retard ou absent à un de ses cours, il nous punissait en nous demandant de faire, soit un autoportrait, soit le croquis d’une voiture dans la rue. Pour moi la voiture c’était un peu trop compliqué. Alors je me mettais devant mon miroir et je me dessinais. C’était assez troublant des fois parce que ça peut être très ressemblant et l’humeur se ressent sur le dessin.
M.P : Et les autres dessins que tu fais, notamment les petits qui viennent de ton carnet de croquis, j’imagine que c’est des gens que tu connais, qui t’ont inspiré ?
R.P : Pareil, ça c’est quelque chose dont je me suis rendu compte au fur et à mesure. En les faisant, je me suis dit "ça colle à quelqu’un". Ça peut représenter des personnes qui me sont très proches et avec qui je partage beaucoup. Ce bonhomme vient à la base d’un dessin de Jean-Michel Basquiat qui influence aussi beaucoup mon travail, mais que j’ai fait évoluer et qu’on ne reconnaît plus du tout. C’est parti d’un espèce de petit monstre qu’il a dans un de ses tableaux et que je voulais en tatouage à l’époque. Et en fait, c’est venu de là je crois tous ces dessins, de l’envie de me faire mes propres tatouages en essayant des petits croquis qui sont devenus plus ou moins bien et que j’ai développé en séries.
M.P : Je remarque que sur ces dessins, il y a un côté très enfantin au point de vue des couleurs, des accessoires, mais aussi en contradiction, une connotation très sexuelle.
R.P : Oui alors ça aussi, c’est très inconscient, je ne saurais pas l’expliquer. Le dessin avec les ballons par exemple est sorti le soir de mon anniversaire, de mes 4O ans que je n’ai pas fêté. J’étais tout seul, tout triste et je me suis fait mon petit dessin. Et la sexualité est un côté qui est très présent chez moi. J’ai longtemps frustré ma création par rapport au regard de l’autre et au "politiquement correct". J’avais toujours cette volonté secrète de percer dans le dessin érotique, c’est un univers qui me correspond et que j’aime. Il y a le côté malsain et charnel très présent dans mes dessins. Le côté enfantin permet de dédramatiser et je voulais pas non plus tomber dans le cliché de la peinture érotique ou gay. C’est ma dose d’humour.
M.P : L’univers de la mode et la couture sont aussi très présent dans ton travail ?
R.P : Oui, j’ai travaillé dix ans dans la mode en plus de mes études. Je crée des vêtements qui ont et une forte personnalité, comme les modèles de mes dessins. Il y a aussi une dimension très théâtrale et dramatique puisque je réalise des créations pas facilement "portables". Ce sont des sortes de "vêtements tableaux". C’est une autre façon de m’exprimer.
M.P : Justement, en novembre 2016, nous te retrouverons pour une exposition sur la couture également dans les murs du CRIC.
R.P : Oui, ce sera une exposition avec un work-in-progress tout au long du mois. Je récupérerai des vieux vêtements pour pouvoir les customiser et leur redonner une deuxième vie. En fin d’exposition, j’espère pouvoir faire un défilé des produits transformés.
M.P : Très bien, merci Raphaël.
R.P : Merci à toi Marie.